L’arrivée de l’électricité à Saint-Astier
L’électricité est venue en plusieurs étapes. Ce fut d’abord la découverte que racontaient ceux qui avaient admiré le phénomène dans les grandes villes et en particulier à Paris lors de l’exposition internationale d’électricité de 1881. En 3 mois, elle rassemblera pas moins de 880 545 visiteurs et 1 768 exposants de 16 pays venus admirer des merveilles qui resteront dans l’histoire : l’ampoule électrique d’Edison, le téléphone de Graham Bell, le tramway électrique de Werner von Siemens, la fameuse dynamo de Gramme et même un prototype de réseau de distribution électrique qui est l’œuvre de Marcel Deprez.
En 1884, un industriel suisse du nom de Louis Dumont conçoit la première centrale hydroélectrique de France, près de Bellegarde dans l’Ain. Équipée de 3 turbines capables de développer 2 000 chevaux, elle permettra d’alimenter l’éclairage public de la ville. Le 10 août 1884, Bellegarde devient ainsi la première ville de France éclairée à l’électricité, un titre disputé par une autre ville : La Roche-sur-Foron qui sera en fait la seconde.
En 1886, plus près de nous, la ville de Bourganeuf, dans le Limousin, devient la 3ᵉ ville française à recevoir l’électricité. Après 3 ans d’études et 1 an de travaux, les installations de la petite ville du Limousin deviennent les premières en France à transporter de l’électricité sur 14km. C’est le début des réseaux électriques.
A Saint-Astier le moulin vers 1905
occupé par Marbot puis en 1913
par Sicaire Georges
avec la roue verticale extérieure
Localement le premier à produire de l’électricité fut vers 1900 le propriétaire du moulin de Saint-Astier, monsieur Puech qui éclairait son usine grâce à une roue verticale. Les moulins furent souvent les premiers à produire de l’électricité en plus de la force mécanique qui leur permettait de fonctionner pour différents usages (1). M. Puech proposa à la municipalité de fournir de l’éclairage pour ses voisins. Le conseil municipal refusa par crainte des jalousies envers les privilégiés.(2)
Un ingénieur de Mussidan, monsieur Deffarges, proposa ses services. Il était ingénieur de l’École centrale des arts et manufactures, donc formé à la diffusion de ces techniques. Il avait créé la société hydro-électrique du Périgord. Il fit, dès 1900, une demande à la préfecture pour établir une nouvelle usine près de l’écluse du canal, c’est-à-dire de pouvoir installer une turbine à cet endroit. Puis il réalisa un accord avec les propriétaires du moulin de Crognac pour qu’ils en limitent l’utilisation afin que le maximum d’eau passe par le canal. Il installa une turbine juste en amont de l’écluse de ce canal (voir plan). L’eau sortait dans la rivière avec un dénivelé d’environ 3m. Un contrat fut signé en 1906 avec la municipalité pour fournir du courant destiné à l’éclairage public ou privé. Seul le centre de la commune était concernée. L’éclairage public consistait en 60 lampes de 16 bougies (3) pour 700F par an. M. Deffarges devait mettre en œuvre une dynamo en courant continu d’au moins 45 000 watts à 250 volts plus un moteur de secours. Un câble de 53 mm2 de section alimentait Saint-Astier.
Les tarifs maxi pour les particuliers, sans compteur, étaient au maximum de :
- 2.5 F par mois et par lampe de 10 bougies (soit environ 35w)
- 3 F " " " " 16 " " 55w
- 3.5 F " " " " 20 " "
- 4.5 F " " " " 32 " "
Pour les abonnés avec compteur c’était 0.1F les 0.1 kwh
La durée de l’éclairage allait du coucher du soleil à 23h30 et de 4h au lever du soleil.
En 1921 une nouvelle concession était établie avec la société Énergie électrique du Sud-Ouest. Le courant arrivait désormais nuit et jour. En novembre 1922 la municipalité fit un vœu pour que la gare soit éclairée pour les trains de nuit.
L’électricité n’était plus fournie localement mais par le barrage de Tuilières, construit par l’ingénieur Albert Claveille, sur la Dordogne, mis en service en 1909.
Le courant alternatif triphasé ou monophasé était fourni en 125, 210 ou 250 volts et 50 périodes. Un réseau de 6 km de lignes ne couvrait qu’une petite partie de Saint-Astier.
Il y avait un tarif de vente au compteur de 1.2F le KWh pour l’éclairage et 0.7F pour les autres usages. Il fallait y rajouter un tarif d’entretien du compteur que l’on pouvait louer ou acheter.
La vente au forfait différait suivant que l’on utilisait des lampes au carbone ou avec filament métallique. Ainsi une lampe au carbone de 5 bougies coûtait 27F par an comme une lampe au filament métallique de 10 bougies. Mais on pouvait aussi acheter un KW-an pour 1125F. L’éclairage public bénéficiait d’une remise de 25%.
Electrifier les villages et les écarts, électricité contre l’eau
Il s’agit de tous les villages ou hameaux plus ou moins éloignés et isolés jusqu’à 5km du centre bourg. Pour eux la fée électricité n’arrivera que progressivement. Les années passent depuis 1906. Cela nécessite des emprunts importants pour faire les travaux nécessaires. Un emprunt de 260 000F est signé avec le Crédit Foncier en 1930 au taux de 5.05%. Un autre de 135 000F en 1932 sur un projet qui coûte 943 000F subventionné pour 550 000F par l’Etat et le département. A chaque fois, la commune est autorisée à voter des centimes additionnels aux 4 contributions qui rapportent 50 000F/an, soit presque l’ensemble des ressources communales. Les 2 emprunts cités représentent une augmentation d’environ 50% de ces impôts.
L’autre grande affaire du début du siècle c’était de fournir de l’eau de qualité par un réseau d’adduction. Mais l’arbitrage entre les deux se fit au profit de l’électricité qui apporte sans doute plus de changement visible alors que la qualité de l’eau laisse pour le moins à désirer. Cela amènera le conseil municipal élu en 1935 à annuler le projet d'adduction d'eau des prédécesseurs pourtant déjà étudié, voté et adjugé, pour donner la priorité à l’électricité.
Mais il faudra malgré tout attendre la fin des années 50 pour que l’électricité atteigne
les endroits isolés.
1 - Voir les articles sur les moulins
2 - Cité par Laurent Poupard voir l’article sur le moulin de Saint-Astier
3 - C’est l’unité de mesure de l’éclairage utilisée jusqu’en 1948 remplacée par la candela
Sources : Archives Départementales de Dordogne 3 S 221 ; 3 S 626 ; 12 O 450
photo du moulin: archives de la Société Historique et Archéologique du Périgord























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