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LE MOULIN DE LA MASSOULIE à la limite Saint-Astier et Saint-Léon-sur-l’Isle
Historique : Sa présence est attestée en 1653. Il dépend du château de Beauséjour de Saint-Léon-sur-l’Isle. Il appartient aux Talleyrand-Périgord, de même que les moulins de Beauséjour et du Moulin Brûlé.
Il abrite, en 1767, trois paires de meules à grains et une meule à huile, disposition qu’il conserve jusqu’au XXème siècle.
En 1883 il fait partie de la donation aux hospices de Chalais. Le 12 octobre 1902, Jean Bleynie, demeurant au moulin de Taillepetit, l’achète aux hospices de Chalais (voir annexe 2). Il le paie 25 025 francs. Sont également compris dans la vente des terres, des prés, et la maison du meunier avec ses dépendances. La maison du meunier était auparavant celle indiquée au sud du ruisseau sur le plan cadastral de 1810. C’est vraisemblablement lui qui modernise l’outillage tel que nous le rapporte l’enquête de 1936.
Le moulin abrite alors dix paires de cylindres – cinq pour le broyage et cinq pour le convertissage – remplaçant les meules et, pour le blutage, un plansichter et quatre bluteries, permettant une capacité maximale d’écrasement de 89 quintaux de blé par jour.
Seuls trois rouets fonctionnent. Le meunier dispose alors d’un moteur à gasoil de type Benz, d’une puissance équivalente à celle des rouets (40CV) installée en secours. Une pièce en appentis, adossée au mur sud, est bâtie pour l’accueillir.
Vers 1939, après y avoir mis en place un vannage métallique, M. Bleynie rallonge son moulin en construisant au-dessus du pertuis, racheté aux Ponts et Chaussées. Il prévoit d’installer une turbine dans ce pertuis, mais le projet n’a pas de suite.
En 1962, à sa mort, le moulin cesse de fonctionner. Son fils vend les machines. En 1973-1974, lors de la crise pétrolière, il prévoit d’y placer des turbines et de produire de l’électricité. Elles ne sont installées qu’en 1978-1979, la troisième étant établie dans l’ancien pertuis. La centrale entre en activité au printemps 1979. Elle a été modifiée en 2021 pour en augmenter la puissance à 200kw.
Le moulin est construit sur la rive gauche de l’Isle. Il se situe à la sortie du village de La Massoulie, au pied de la butte de Puypinsou et au débouché du ruisseau de Bacanau. Il s’appuie en lit de rivière sur un îlot qui délimite son canal de fuite. Son barrage de 130 mètres de long se termine rive droite par un pertuis tenant à l’îlot de l’écluse.
Il se compose d’un corps de bâtiment et d’une remise attenante que la route nationale 89 sépare de la maison du meunier et de ses dépendances (détruite lors de la mise en place de l’autoroute).
L’emplacement du moulin est occupé depuis fort longtemps. La date la plus ancienne fournie par les Ponts et Chaussées est 1663, mais le service a reconnu que le moulin était fondé en titre, il serait dans ce cas antérieur à 1517.
Le moulin dans son état actuel résulte de plusieurs chantiers de constructions. Le bâtiment lui-même, par son aspect extérieur, semble dater du XIXème siècle. La date de 1883 relevée au-dessus des arches serait alors celle d’une reconstruction, à laquelle serait associé un Bleignie meunier, fondé de pouvoir ou entrepreneur. Cependant aucun document ne vient confirmer cette hypothèse.
Monsieur Bleynie père acheta le moulin en 1902. C’est lui certainement qui fit bâtir la remise avant d’ajouter vers 1936 l’appentis et de rallonger le moulin vers 1939. Depuis aucune modification notable n’avait été faite si ce n’est le changement de destination .L’arrivée de l’autoroute changera le paysage en ne laissant que le moulin à cet endroit
Annexe 1 : Les Talleyrand-Périgord. Le mariage d’Emme, petite fille de Wigrin Taillefer nommé Comte de Périgord et d’Angoulême par Charles le Chauve, avec Boson 1er dit le Vieux, Comte de la Marche, donna naissance au Xème siècle à la maison des Talleyrand-Périgord.
Au fil des siècles, leurs possessions périgourdines s’agrandissent : aux châtellenies de Montignac et de Grignols entrées dans le domaine par deux mariages au XIème siècle s’ajoute au XVIIème siècle le domaine d’Excideuil. Au XIIIème siècle, la seigneurie de Chalais, en Charente, passe aux mains de la branche cadette, les Talleyrand de Grignols.
Le Moyen-âge voit les luttes incessantes des comtes contre le consulat du Puy-Saint-Front, qui essaie de réduire leurs droits sur la ville de Périgueux, et contre le parti anglais ou le parti français, selon l’époque ou les intérêts du moment.
Dans la seconde moitié du XIVème siècle, Archambaud V puis son fils Archambaud VI sont même en rébellion contre le roi de France Charles VI. En représailles, ce dernier confisque le comté et le donne en apanage à son frère Louis d’Orléans. Il échoue finalement entre les mains d’Henri de Navarre qui, à son avènement au trône en 1589, le réunit au domaine royal.
Les deux personnages les plus marquants de cette turbulente famille sont sans conteste, au XIVème siècle, le cardinal Hélie Talleyrand surnommé « le faiseur de papes » qui fonda la chartreuse de Vauclaire et fit construire le château de Beauséjour, et Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, surnommé « le diable boiteux » qui domina la politique extérieure de la France à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle.
Annexe 2 : Le legs de 1883. Le dernier lien matériel réunissant les Talleyrand au Périgord s’est brisé lorsqu’à sa mort, le 7 avril 1883, Elie-Roger-Louis de Talleyrand-Périgord, prince de Chalais, duc de Périgord, légua par testament ses propriétés périgourdines à l’asile de vieillards qu’il avait créé en son château de Chalais.
Le codicille en date du 17 juillet 1882 à Paris, déposé judiciairement au rang des minutes de Maître Merlin, notaire à Paris, le 7 avril 1883, contient ce qui suit : « Je lègue à l’hôpital de Chalais, cent mille francs une fois payés, plus la terre de Chalais, et ce que je possède dans le département de la Dordogne, Beauséjour, Mareuil, Excideuil, … pour que dans le château disposé en conséquence y soient reçus des vieillards au-dessus de soixante ans, hommes et femmes, mariés ou célibataires, originaires des communes sur lesquelles sont situés les biens donnés. Ne pourront être admis que des personnes respectables et recommandées par leur curé ou acceptées par Monsieur le curé de Chalais. »
Source : Les moulins à eau de la basse vallée de l'Isle entre Périgueux et Bénévent.
Mémoire de maîtrise, Histoire de l'art moderne, Bordeaux III, 1986 de Laurent Poupard